Le trouble cyclothymique : faire la lumière sur un trouble incompris

Juin 10, 2024

Ketevani Japharashvili est une jeune artiste charmante de 22 ans qui est venue de Sakartvelo pour devenir bénévole au centre d’activités pour la jeunesse de Druskininkai. Dès le début, elle a parlé ouvertement de ses problèmes de santé mentale et a voulu les défendre et sensibiliser les gens à ce sujet.

Qu’est-ce que la cyclothymie ? Il s’agit d’une forme légère de trouble bipolaire. (La cyclothymie est aussi parfois appelée trouble bipolaire III, mais il ne s’agit pas de son nom de diagnostic officiel). Cette forme est moins sévère que les troubles bipolaires I et II, car les épisodes dépressifs et hypomaniaques ne sont pas aussi intenses que ceux que l’on observe dans les deux autres troubles. Malgré des changements d’humeur constants, les personnes atteintes de cyclothymie peuvent avoir des périodes plus stables mais de courte durée. Cependant, il est important d’obtenir de l’aide pour ce trouble car il peut avoir un impact significatif sur le quotidien et affecter les relations à la maison et au travail.

Chère Keti, pourriez-vous décrire votre expérience avec le trouble cyclothymique ? Quels sont les principaux symptômes et défis auxquels vous êtes confrontée au quotidien ?

Avec le trouble cyclothymique, j’éprouve des sautes d’humeur extrêmes, des fluctuations entre des états d’âme élevés (hypomanie) et bas (dépression) sur des périodes de temps indéterminées. Pour moi, le défi réside dans sa nature imprévisible ; je ne sais jamais comment je me sentirai dans les deux heures à venir, par exemple.

Que faut-il savoir à propos de ce trouble ?

Il est essentiel de comprendre que le trouble cyclothymique ne se résume pas à de simples « sautes d’humeur » et qu’une personne qui en souffre n’est pas simplement « de mauvaise humeur ». Même les épisodes les plus brefs, qui ne durent que quelques heures, peuvent être beaucoup plus intenses et difficiles que les bonnes et mauvaises humeurs ordinaires.

En quelques mots, comment décririez-vous ce trouble de façon à ce que tout le monde puisse se faire une idée de ce dont il s’agit ?

Le plus parlant pour moi est cette interprétation visuelle qui, je pense, illustre bien les symptômes.

Comment avez-vous pris conscience que votre santé mentale pouvait être différente et qu’est-ce qui vous a amené à diagnostiquer un trouble cyclothymique ?

Ce que je trouve intéressant, c’est que même lorsque je luttais contre la dépression, je n’arrivais pas à me rendre compte que quelque chose n’allait pas tant que je n’avais pas de décalage important entre mes humeurs. Un jour, je pouvais être en train de lutter contre des pensées suicidaires et le lendemain, je n’arrêtais pas de danser dans la rue. Il est devenu évident pour moi que quelque chose n’était pas tout à fait normal. En commençant à faire des recherches, je me suis vite rendue compte que le trouble bipolaire typique (de type I et II) ne correspondait pas tout à fait à mes expériences, mais je me sentais toujours loin d’être « normale ». En réalité, ce qui m’a finalement poussée à consulter un médecin, c’était le besoin de comprendre et de ne pas rester dans l’incertitude, plus que le sentiment d’avoir besoin d’aide.

Pourriez-vous nous faire part de l’impact que le diagnostic de trouble cyclothymique a eu sur votre vie personnelle ? Est-ce que cela vous a permis de mieux gérer vos symptômes ?

La raison pour laquelle je parle toujours ouvertement de ce sujet est que le fait de poser un diagnostic a considérablement changé ma vie. Pour se défaire de ces lourdes chaînes, il faut d’abord accepter que l’on est enchaîné et comprendre quel type de chaînes nous retient. Je me suis sentie mieux en sachant ce dont je souffre.

Cela fait une différence lorsque vous pouvez identifier les symptômes comme de véritables symptômes et non juste comme des pensées.

Vivre avec un trouble cyclothymique implique souvent de passer de périodes d’hypomanie à des périodes dépressives. Comment ces changements d’humeur affectent-ils vos relations, votre scolarité et votre qualité de vie en général ?

Même si je ne peux pas dire que cela a affecté mes relations, j’ai parfois l’impression que c’est impossible d’être rigoureuse dans mes études. Les périodes de crises me demandent énormément d’efforts pour les supporter, ce qui fait qu’après c’est un vrai défi pour me ressaisir. Trouver l’énergie ou le temps de me concentrer sur mes études devient alors incroyablement difficile.

De nombreuses personnes souffrant de troubles cyclothymiques éprouvent des difficultés à maintenir une routine cohérente et à gérer leur niveau d’énergie. Comment faites-vous face à ces changements et arrivez-vous à prendre soin de vous pendant ces différentes phases ?

Tout d’abord, je crois qu’il est important de s’auto-analyser et d’observer ses changements d’humeur, ses symptômes, ses réactions, etc. Personnellement, j’ai appris qu’il est crucial de ne pas me surpasser lorsque je me sens dépassée, et que parfois sortir de ma zone de confort peut être néfaste.

Le bénévolat peut être un moyen significatif de s’engager avec les autres et de contribuer à la communauté. Est-ce un domaine qui vous aidé à gérer votre trouble ?

Je dis toujours que le bénévolat me permet de mettre temporairement de côté le chaos de ma vie quotidienne, de respirer et de me concentrer sur mon développement personnel. Naturellement, c’est aussi bénéfique pour ma santé mentale. De plus, c’est l’endroit où je peux pleinement prendre soin de ma santé mentale, ce qui n’est malheureusement pas toujours possible dans ma vie de tous les jours.

Votre expérience a-t-elle influencé votre point de vue sur la valorisation de la santé mentale ou la sensibilisation à ce problème ? Si oui, de quelle manière défendez-vous vos intérêts et ceux d’autres personnes souffrant de troubles similaires ?

C’est difficile d’expliquer comment le monde change avant et après la prise en charge d’un trouble. J’essaie toujours de l’expliquer aux personnes qui semblent avoir besoin d’aide, mais je me rends compte qu’une grande partie de ce que je dis peut ne pas trouver d’écho chez elles et je ne peux pas les en blâmer – il est difficile de comprendre qu’il y a de la lumière quelque part dans l’obscurité. Je veux juste que tout le monde sache qu’avoir des pensées suicidaires, se réveiller sans la volonté de vivre, ce n’est pas normal, et ce n’est pas non plus votre destin. Tout peut changer, et je peux vous garantir que vous serez vraiment surpris(e) lorsque vous ressentirez la lumière et verrez l’obscurité se dissiper.

Je veux aussi insister sur le fait qu’il n’est pas nécessaire d’être sur le point de mettre fin à ses jours pour penser que l’on a besoin d’aide. Si vous vous sentez un tant soit peu concerné(e), prenez le temps de prendre rendez-vous. Cela ne vous fera pas de mal. Mais ignorer votre situation peut le faire.

La recherche d’un accompagnement par des professionnels de la santé mentale et la mise en place d’un réseau de soutien solide peuvent s’avérer cruciales pour les personnes qui gèrent un trouble cyclothymique. Comment la thérapie, les médicaments et les autres outils vous ont-ils aidé dans votre cheminement ?

Pour moi, les médicaments ont réduit mes symptômes à un point tel qu’ils sont généralement faciles à gérer. Ils les ont rendus moins fréquents et moins intenses, et je pense sincèrement que je sombrerais sans eux.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres personnes qui ont récemment reçu un diagnostic de trouble cyclothymique ou qui luttent pour gérer leurs problèmes de santé mentale ? Y a-t-il des stratégies ou des ressources qui vous ont été particulièrement utiles ?

Observez-vous et prenez-en soin. Je ne peux rien dire d’autre.

Quels sont les stéréotypes les plus courants que vous avez entendus à propos de cette maladie ?

Je ne peux pas dire qu’il existe des stéréotypes liés au trouble cyclothymique, car son existence est peu connue. Cependant, en ce qui concerne le trouble bipolaire en général, il est inquiétant de voir les gens s’auto-diagnostiquer et utiliser le terme de manière désinvolte sans en comprendre la complexité. L’utilisation de ce terme à la légère peut amener les gens à ne pas prendre le trouble bipolaire suffisamment au sérieux.

Quels conseils donneriez-vous aux éducateurs jeunesse, aux parents ou aux amis sur la manière dont ils peuvent aider une personne souffrant d’un trouble cyclothymique ?

Je pense que c’est vraiment une question personnelle et tout ce que je peux dire, c’est qu’il faut tenir compte de la personne qui traverse quelque chose et ne pas la pousser à bout. En général, il est très important de dire haut et fort que la santé mentale est un problème, qu’elle ne peut pas disparaître après la méditation ou diverses pratiques, qu’elle doit être considérée comme un problème médical avec le même sérieux que la santé physique. Il y a beaucoup de gens qui ne prennent pas cela au sérieux, ce serait formidable s’ils pouvaient au moins essayer de comprendre et de se mettre à la place de la personne en difficulté. Ce simple geste serait un pas en avant vers une société plus consciente.

Quelques éléments clés à connaître sur le trouble bipolaire en général :

  • La cause exacte du trouble bipolaire est inconnue.
  • Les personnes possédant certains gènes sont plus susceptibles de développer un trouble bipolaire que les autres.
  • Si l’un des parents est atteint d’un trouble bipolaire, il y a 10 % de chances que son enfant développe la maladie.
  • De nombreux experts considèrent le trouble bipolaire comme une maladie progressive qui s’aggrave avec l’âge, surtout en l’absence de traitement.

Facteurs déclenchants susceptibles d’aggraver les symptômes :

  • Les événements stressants de la vie ;
  • Surstimulation : une surcharge sensorielle peut induire une manie ;
  • Consommation de substances ;
  • Maladie physique non traitée ;
  • Mauvais sommeil ;
  • Changements de routine.

Un article de Indraja Čiukauskienė

Photo par Gerda Zubavičienė