Adolescents et réseaux sociaux : une relation controversée

Mar 7, 2024

Les réseaux sociaux ont été développés dans un but social et créatif. Cependant, ils peuvent aussi devenir un lieu dangereux, en particulier pour les jeunes et leur santé mentale. Est-il possible de trouver un compromis ?

Vue d’ensemble

En Europe, 98 % des adolescents âgés de 15 à 24 ans utilisent internet en 2022, alors que la moyenne mondiale est de 75 %. Selon la plateforme GWI, la génération Z européenne passe en moyenne 3 heures par jour sur les réseaux sociaux, soit un peu moins que l’Amérique latine (3h55), le Moyen-Orient et l’Afrique (3h26) et l’Amérique du Nord (3h). 35 % des adolescents pris en compte par l’enquête sont « inquiets de passer trop de temps sur les réseaux sociaux » et 42 % utilisent les réseaux sociaux pour « occuper leur temps libre » ; par rapport aux autres tranches d’âge, les adolescents sont également plus susceptibles d’être influencés par les créateurs de contenu.

Quelles en sont les conséquences ?

Le temps passé à faire défiler les fils d’actualité est l’aspect principal de l’étude de l’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale. L’avis de l’Administrateur de la santé publique des États-Unis indique que « les adolescents qui passent plus de trois heures par jour sur les réseaux sociaux ont deux fois plus de risques de souffrir de problèmes de santé mentale, notamment de symptômes de dépression et d’anxiété ».

Le même rapport indique que « lors d’un jour de semaine typique, près d’un adolescent sur trois déclare utiliser les réseaux sur écran jusqu’à minuit ou plus tard ». Si l’utilisation des réseaux d’écran englobe diverses activités numériques, les applications de réseaux sociaux sont les plus couramment utilisées par les adolescents. Étant donné que les réseaux sociaux sont basés sur des algorithmes conçus pour montrer aux utilisateurs des contenus conformes à leurs préférences – stimulant ainsi le système de récompense du cerveau – leur utilisation incontrôlée peut être comparée à une véritable addiction, avec des conséquences similaires à celles liées à la consommation de substances ou à l’addiction au jeu.

La réduction progressive du nombre d’heures de sommeil, due à l’altération du rythme veille-sommeil causée par l’exposition à la lumière des écrans, peut entraîner des symptômes dépressifs et des pensées et comportements suicidaires. En outre, l’utilisation abusive des réseaux sociaux entraîne une augmentation significative de la probabilité de développer un TDAH (Trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), ainsi que l’apparition de ce que l’on appelle la FOMO (« fear of missing out »), c’est-à-dire l’anxiété d’être exclu des événements et de la vie en général.

Chez les jeunes femmes, les conséquences les plus graves de l’exposition continue à des modèles inaccessibles sont l’apparition de troubles de l’alimentation, exacerbés par l’utilisation fréquente de filtres et de programmes pour modifier les photos diffusées principalement sur Instagram, ainsi que par la recherche obsessionnelle d’approbation par le biais de likes et d’interactions.

Il y a aussi des contenus explicitement nocifs, comme ceux qui incitent les jeunes à accomplir des gestes extrêmes, conduisant souvent à des conséquences dramatiques : le rôle de Tik Tok dans la diffusion de défis dangereux (The Blackout challenge, the Benadryl challenge, the Skull Breaker challenge, etc) mérite d’être mentionné.

Enfin, l’individualisme des réseaux sociaux, renforcé par l’isolement social imposé par la pandémie, amplifie le sentiment de solitude qui constitue un terreau fertile pour les troubles mentaux. En sommes, nous sommes de plus en plus connectés et de moins en moins interconnectés.

Que pouvons-nous faire à ce sujet ?

S’il n’est pas possible de faire le choix radical de tout éteindre pour toujours, il est possible de fixer des limites à l’utilisation des réseaux sociaux, en établissant des frontières de sécurité à l’intérieur desquelles les enfants et les adolescents peuvent se déplacer. Pour y parvenir, il faut une coopération entre différents acteurs : les institutions publiques, les entreprises technologiques, les parents et, bien sûr, les jeunes utilisateurs, qui doivent non seulement apprendre à faire un usage plus sain des moyens mis à leur disposition, mais aussi devenir eux-mêmes les ambassadeurs des bonnes pratiques et sensibiliser leurs camarades à l’importance de la santé mentale. C’est ainsi que nous en arrivons à l’aspect positif des réseaux sociaux.

Le bon côté des réseaux sociaux : sensibiliser et briser les tabous

Les réseaux sociaux peuvent être un outil formidable pour partager la beauté et la connaissance avec d’autres personnes. Il ne s’agit donc pas de lieux de solitude, mais d’espaces de dialogue où les tabous sont démantelés, l’un après l’autre, et où la maladie se transforme en un pont qui unit les gens au lieu de les isoler. C’est ce qui se passe sur de nombreux profils sociaux qui traitent de la santé mentale en utilisant l’art et l’ironie. Les comptes de l’illustratrice britannique Gemma Correll (@gemmacorrell), de la Canadienne Maude Bergeron (@lesfoliespassageres), des Américaines Liz Fosslien et Mollie West Duffy (@lizandmollie) et de la psychothérapeute et illustratrice italienne Francesca Parisi (@terapiadinterni) en sont des exemples.

En conclusion

Lorsqu’ils sont utilisés de manière inconsidérée, les réseaux sociaux peuvent nuire à la santé mentale. Cependant, grâce à ces mêmes outils, les personnes peuvent acquérir des ressources pour faire face à leur maladie, briser la boule de cristal des préjugés et de la peur qui les entourent et alimenter une chaîne vertueuse d’expériences, de soutien et de partage. De cette manière, ils exploitent pleinement le potentiel des réseaux sociaux en influençant (cette fois-ci de manière positive) les utilisateurs, en particulier les plus jeunes.

Texte de Giulia Castelli

Références

Remarque : Lorsque nous parlons de la relation qu’entretiennent les jeunes avec les réseaux sociaux, il faut insister sur le fait qu’il n’existe, à ce jour, aucune preuve d’un lien entre l’usage des réseaux sociaux et un déclin de la santé mentale. De plus, les statistiques ne peuvent jamais offrir un aperçu exhaustif d’un panorama aussi varié. La relation qu’entretiennent les jeunes avec internet et l’impact sur leur santé mentale peut, en effet, varier en fonction de leurs forces et vulnérabilités, du temps sur les réseaux sociaux ainsi que de leurs origines sociales, culturelles et économiques.